Compte tenu du marché actuel du crowdlending, il paraît évident que certaines plateformes vont (bientôt) disparaître faute de moyens. Certains prêteurs, et c’est justifié, se posent donc des questions quant à la continuité des prêts … J’essaie d’y répondre dans cet article.
Quel est le seuil annuel minimal de prêts à atteindre pour la viabilité à long terme des plateformes ?
Après discussion avec les fondateurs de plusieurs plateformes, il apparait que le seuil minimum est de 100 – 120 millions d’euros par an. Quand on pense que tous les plateformes confondues ont permis de financer seulement 31,5 millions d’euros en 2015, on en est encore très loin !
Et c’est pour cette raison que plusieurs plateformes ont levé des fonds afin d’assurer leur pérennité jusqu’à l’équilibre, dans 3 ou 4 ans peut-être. Pour rappel, en 2015, Unilend à levé 8 millions d’euros, Lendix 7 millions, Credit.fr 3 millions ou encore Finsquare 1,5 millions.
Les levées de fonds sont elles suffisantes ?
Les plateformes font face à de lourds investissements marketing car elle doivent investir du budget pour attirer des emprunteurs mais aussi des prêteurs.
En recherchant « Credit professionnel » par exemple sur google, on se rend compte de la concurrence terrible à laquelle elles font face. Au moment où j’écris cet article, 3 plateformes paient des adwords (publicité Google) pour ce mot clé mais elles doivent aussi investir sur une multitude de mots.
Le système Google est un système d’enchères et plus il y a d’acteurs en lice et plus le coût du clic est important. A titre d’exemple voici le coût moyen du clic pour les mots clés suivants :
- Pret entreprise : 2,87 €
- Pret professionnel : 2,63 €
- Credit professionnel : 3,10 €
- Credit entreprise : 3,55 €
- Financement professionnel : 3,45 €
- Financement entreprise : 2,96 €
Quand on sait que les plateformes acceptent entre 1 et 2 % des dossiers emprunteurs, combien de clics faut-il pour avoir un dossier présentable ? A mon sens beaucoup !
Bien sûr la publicité Google n’est pas le seul levier marketing pour attirer les emprunteurs, on pourrait aussi parler de la presse, de la publicité Facebook ou twitter, du référencement naturel, du marketing direct (téléphone ou fax), des apporteurs d’affaires, … Mais ça donne une référence.
Pour ma part, j’évalue le coût minimum d’acquisition d’un emprunteur à plus 1 500 €. Et j’en suis peut-être encore très loin 😉
A celà il faut ajouter les coûts d’acquisition des prêteurs, je dirais au moins 200 € si ce n’est plus !
La masse salariale est aussi prépondérante dans le business model de ces plateformes. Finsquare par exemple est constituée par une équipe de 13 personnes, Unilend 20 personnes, Lendix 24 personnes, …
En prenant un coût de 5000 € par salarié (salaire + charges + Divers) on peut estimer le coût des charges mensuelles à près de 100 000 € hors marketing.
Tout ce raisonnement pour dire qu’à mon sens, une plateforme qui cherche à grossir dépense entre 1 et 1,5 millions d’euros par an et que même en levant 1,5 millions d’euros, les plateformes ne pourront pas tenir bien longtemps.
Elles devront donc réaliser ce qu’on appelle une série B dans le jargon financier avant d’atteindre l’équilibre. La question est de savoir si les investisseurs leur feront confiance ! Par ailleurs quid des plateformes qui n’ont pas encore levé leur série A ?
Si je vais au bout de mon raisonnement, seules les plateformes UNILEND, LENDIX et LENDOPOLIS, compte tenu de leurs levées importantes, et de leur volume prêté, pourraient aller jusqu’à l’équilibre sans trop de risques.
Comment se passe la fermeture d’une plateforme ? Quid des emprunts en cours (notamment pour les prêteurs) ?
La réglementation française semble relativement bien faite à ce sujet. En effet elle prévoit que les plateformes doivent faire appel à des sociétés de services de paiement, on peut par exemple citer Lemon Way, S-Money ou encore Ingenico, … ces derniers servent donc de tiers de confiance et gèrent les paiements et remboursements entre les prêteurs et les emprunteurs.
En cas de défaillance, ils doivent donc continuer l’activité de la plateforme, c’est à dire prélever les emprunteurs et rembourser les prêteurs. A ce titre j’ai intérrogé Victor Mertz (@VictorMertz), responsable Marketing & Communication de Lemon Way. Voici sa réponse :
En cas de disparition d’une plateforme de crowdlending, Lemon Way prend en charge la poursuite de l’activité engagée, c’est à dire la possibilité de remboursement des prêts en cours jusqu’à clôture des projets. Une clause de garantie d’extinction précisant ce point est présente dans le contrat Lemon Way dédié aux plateformes de crowdlending.
En cas de défaut de paiement de l’emprunteur, Lemon Way permet (et recommande) aux plateformes de crowdlending de mettre en place un « compte de paiement de garantie », cumulant un pourcentage de chaque remboursement effectué, qui servira à couvrir totalité ou partie d’un impayé au(x) prêteur(s) lésé(s).
Même si je réponds en partie à la question, il me manque un élément de réponse. En effet, que ce passera-t-il si l’emprunteur décide de bloquer les prélèvements et de ne pas rembourser les prêteurs ? Aujourd’hui c’est le rôle de la plateforme mais qui prendra le relais si elle disparaît ?
Est-il préférable de répartir ses prêts sur plusieurs plateformes pour limiter le risque ?
Si les « tiers de confiance » respectent leurs obligations, on peut penser que la diversification multiplateformes n’est pas nécessaire pour limiter le risque puisque ce dernier est déjà limité par la réglementation (sauf élément de réponse manquant).
Pour ma part, même si ce n’est pas pour la même raison, je préconise de prêter sur plusieurs plateformes afin de correctement diversifier son investissement. En effet les critères des plateformes et la typologie des dossiers sont notamment différents.
Merci à Johan T pour ces questions judicieuses.
Que pensez vous de ce raisonnement ? Les plateformes peuvent bien sûr commenter 😉
On en parle sur le forum : http://www.crowdlending.fr/forums/sujet/certaines-plateformes-disparaitront-quels-seront-les-impacts-pour-les-preteurs/
Une réponse à “Certaines plateformes vont disparaitre … Quel sera l’impact pour les prêteurs ?”
Guillaume
Excellent point de situation.
Je pense que le point mort est plus bas qu’annoncé, mais effectivement à terme il ne restera que 4 à 5 plateformes très probablement…alors que l’on me parle de plus de 60 à ce jour.
Une concentration sur les meilleurs acteurs aura donc lieu.
Concernant le risque pour les prêteurs, il semble limité car la supervision ACPR est une première garantie sérieuse de continuité de service pour les prêteurs.
Ensuite, au delà de l’existence du Prestataire de Service de Paiement, lui même supervisé, il me semble que la reprise des portefeuilles de prêts sera réalisée par concentration sur les acteurs restants.
Cette reprise permettant de mieux amortir leurs coûts fixes, d’autant qu’une commission sur le service de remboursement existe systématiquement (et par exigence de l’ACPR semble-t-il afin d’assurer la reprise éventuelle en gestion).
Quant à diversifier, probablement oui, mais en étant sélectif sur les plateformes (qualité dirigeants et donc qualité de sélection, actionnaires….et bien sûr espérance de survie à 2 ans !)
Mathieu
Bonjour Guillaume,
Merci pour ce commentaire pertinent. Je me pose vraiment la question de savoir si la disparition de plateformes se fera par concentration. En effet, les prêteurs aujourd’hui investissent sur plusieurs plateformes. Je me demande donc si une plateforme aurait un réel intérêt à en acquérir une autre.
Je ne parle bien sûr pas des plateformes étrangères qui souhaiteraient s’implanter en France.
GP
Bonjour Mathieu,
Je ne suis pas devin bien entendu, mais mon idée n’est pas tant un rachat de plateforme, que plutôt la reprise du portefeuille en gestion de plateforme qui ne parviennent pas à atteindre la taille critique, et doivent donc cesser l’activité (et les investissements à fonds perdus pour les actionnaires).
L’intérêt pour le repreneur est alors de jouer l’effet de taille et mieux amortir ses frais fixes. Cela suppose bien entendu que le portefeuille de prêts à reprendre soit de qualité correcte, sous entendu avec peu de défauts et de procédures à suivre, car alors les coûts de gestion augmentent (en plus de l’effet d’image).
Le vrai danger pourrait concerner les petites plateformes avec de mauvais portefeuilles de prêts….donc la diversification mais avec sélectivité dans les plateformes.
David Dumont
Le point de LemonWay est intéressant, mais comment connaissent-ils les échéanciers de repaiement qui sont gérés sur la plateforme de prêt ? Et comment savent-il donc combien rembourser, à qui et pendant combien de temps?
Certes les porte-monnaie continuent d’exister mais je ne vois pas comment LemonWay peut prendre en charge la continuité des repaiements d’échéanciers ?
Pascal
Tout passe par eux, ils ont donc les fichiers de prélèvements des emprunteurs et les fichiers de virements des préteurs.
Comme les emprunts sont à taux fixes chaque préteur à la même mensualité tout au long du prêt et idem pour les emprunteurs.
Voila pas plus difficile que ça. Reste la problématique des impayés qui, pour moi, est le vrai risque en cas de défaillance d’une plateforme (même sans défaillance d’ailleurs)
rousso
Bonjour,
personnellement je m’interroge sur la solidité financière des plateformes. certaines comme UNILEND refuse de communiquer ses comptes annuels (c’est pas rassurant) ou LENDOPOLIS qui publie et annonce une perte correspondant à 15 FOIS le chiffre d’affaires…..
Devant ces éléments, comment trouver 2ou 3 plateformes solide financièrement. Qui peut donner des infos sérieuses sur le sujet;