L’écosystème du crowdlending français est en train de se renforcer en intégrant un nouveau type d’acteurs : les Fonds d’Investissement Alternatifs (FIA). À première vue tout oppose les FIA, symboles de la financiarisation de l’économie, et les plateformes de crowdlending, représentantes d’une économie à taille humaine. Seulement, les FIA et les plateformes de crowdlending présentent une étonnante complémentarité.
Plateformes de crowdlending et FIA, un partenariat gagnant
Les FIA sont des véhicules d’investissement disposant de liquidités et d’une certaine flexibilité pour les investir. Parmi les choix d’investissements possibles se trouve le financement de certains types de prêts aux PME. Or les plateformes de crowdlending ont justement besoin de liquidités pour financer les prêts qu’elles émettent.
Au-delà de la complémentarité financière, il existe entre FIA et plateformes de crowdlending une complémentarité de compétences. La majorité des sociétés de gestion gérant les FIA n’ont ni la capacité d’identifier les PME demandeuses de prêts, ni les équipes nécessaires pour effectuer des analyses crédit à grande échelle. Or les plateformes ont su développer et perfectionner des modèles opérationnels pour attirer et analyser les projets de PME à la recherche de financements. Un cas d’école : la société britannique Ezbob parvient à analyser des demandes de prêts en 30 minutes en s’appuyant sur les données collectées par ses partenaires comme Alibaba, « l’Amazon chinois ».
Selon Jean-Benoît Gambet, directeur d’investissement chez Eiffel Investment Group,
« la complémentarité entre sociétés de gestion et plateformes d’online lending est aujourd’hui bien comprise. L’enjeu est maintenant de définir le modèle de collaboration le plus efficace pour tirer tous les bénéfices de cette complémentarité ».
Une tendance déjà bien installée au Royaume-Uni
Force est de constater que ce type de partenariat n’est pas nouveau. Dans les pays où l’industrie du crowdlending est plus mature, la plupart des plateformes distribuent déjà leurs prêts à des FIA spécialisés en crowdlending. Le plus connu d’entre eux, P2P Global Investment PLC, fut lancé en mai 2014 et représente à ce jour 709 millions de livres sterling de capitalisation (1).
Les FIA en crowdlending se répartissent en deux catégories :
- Les fonds dédiés : Ils sont gérés par les plateformes de crowdlending elles-mêmes et ont vocation à soutenir l’activité d’une plateforme donnée. C’est le cas par exemple de Funding Circle SME Income qui investit sur Funding Circle, un des leaders du marché britannique.
- Les fonds multi plateformes : Ils sont gérés par des sociétés de gestion indépendantes des plateformes et ont pour stratégie d’investir sur plusieurs plateformes de crowdlending disséminées sur plusieurs pays. C’est le cas par exemple de P2P Global Investment PLC géré par MW Eaglewood Europe ou encore Ranger Direct Lending géré par Ranger Capital.
Ces fonds se développent et parviennent à distribuer des intérêts de 5% à 11%. Cependant tout n’est pas rose dans le monde des FIA en crowdlending et certains fonds présentent de mauvais chiffres. Par exemple les parts du fonds Ranger Direct Lending s’échangent actuellement avec une décote de 22.5% par rapport à la valeur nette de ses actifs (2).
Un écosystème qui se structure en France
En France, les FIA en crowdlending commencent à émerger. En juillet 2016, Lendix lance le premier Fonds Commun de Titrisation agréé ELTIF, le LDX SME II (3). Lendix profite ainsi du règlement européen d’avril 2015 relatif aux Fonds Européens d’Investissement à Long Terme (ELTIF) qui permet aux FIA agréés ELTIF de prêter directement aux entreprises.
Autre évènement à noter dans ce domaine : la société de gestion française Eiffel Investment Group a bouclé un Fonds Professionnel Spécialisé de 100 millions d’euros en Novembre 2016 (4). Ce fonds a vocation d’investir soit en direct sur les plateformes, soit dans les FIA de plateformes telles que Lendix, Finexkap et YounitedCredit.
Au passage on remarque que les poids lourds français du crowdlending aux PME, à savoir Finexkap et Lendix, sont à l’avant-garde de cette tendance. Dès leurs débuts ils ont réussi à développer des modèles originaux autour des FIA.
Une grande inconnue
Ces modèles de collaboration doivent néanmoins faire leurs preuves. Ces partenariats seront pérennes si et seulement si les plateformes de crowdlending parviennent à émettre des volumes de prêts significatifs tout en limitant les taux de défaut. Avec l’afflux de liquidités, la tentation sera grande pour les plateformes de prêter à des entreprises de plus en plus risquées. Les plateformes qui sortiront gagnantes de la compétition seront celles ayant fait preuve de sagesse sur la durée.
Sources :
- P2P Global Investment Factsheet April 2017
- Ranger Direct Lending Factsheet April 2017
- Communication Gide
- L’Agefi – Eiffel Investment boucle un fonds de crowdlending de 100 millions d’euros