Fortes de leurs succès nationaux, certaines plateformes européennes sortent de leurs frontières et se lancent à la conquête du vieux continent. Après la remise en cause du monopole bancaire, une nouvelle révolution est ainsi amorcée par les plateformes de crowdlending : la création d’un supermarché européen de la dette pour PME. Le prêteur, qu’il soit particulier ou institutionnel, peut alors diversifier son portefeuille d’investissements sur différents pays de l’Union Européenne avec une facilité déconcertante. Des plateformes comme Look&Fin, Funding Circle ou Lendix sont-elles en passe d’unifier le marché européen de la dette aux PME ?
Un business model taillé pour le développement à l’international
Un développement à l’international est vecteur de croissance pour les plateformes de crowdlending comme pour beaucoup d’autres entreprises. Ce qui est plus original en matière de crowdlending, c’est que les utilisateurs de ces plateformes tirent, eux aussi, un intérêt direct de l’internationalisation des plateformes.
Côté emprunteur, le développement d’acteurs transfrontaliers facilite l’alignement des conditions d’accès à la dette entre pays. Selon le dernier rapport de la Commission Européenne sur l’accès des PME aux financements au sein de l’Union, on constate que les écarts restent grands en matière de prêts bancaires. Le taux de rejets de demandes de prêts s’élève par exemple à 25% aux Pays-Bas alors qu’il est de 10% en France en 2016. L’émergence de plateformes de crowdlending internationales laisse espérer le nivellement de ces écarts.
Côté prêteur, l’internationalisation des plateformes permet de diversifier les investissements sur plusieurs pays et ainsi se protéger contre le risque inhérent à certains marchés nationaux.
Un cadre européen propice
L’intérêt d’un développement international semble donc faire consensus en crowdlending. Reste cependant à trouver un espace propice. A ce titre, l’Union Européenne constitue un terrain de jeu idéal. L’ensemble des règlements et des directives européennes s’offrent comme autant d’outils facilitant le développement des plateformes à l’échelle du continent. Si ces différents textes n’ont pas été écrits pour les plateformes de crowdlending, ces dernières savent en faire bon usage.
Lendix a notamment eu recours à l’agrément Fonds Européens d’Investissement à Long Terme (ELTIF) pour son Fonds Commun de Titrisation lancé en juillet 2016. La plateforme française a ainsi mis à profit le règlement européen d’avril 2016 permettant aux Fonds d’Investissements Alternatifs agréés ELTIF de prêter directement aux entreprises au travers de l’Union Européenne.
De la même manière, les nouvelles règles « prospectus » adoptées par le Conseil Européen en mai 2017 ne manqueront pas d’être mises à profit par les plateformes. Ce nouveau règlement harmonise au niveau européen les règles encadrant la publication d’un prospectus pour l’émission de valeurs mobilières. Ainsi aucun prospectus ne sera exigé pour les projets de financements participatifs inférieurs à 1 million d’euros dans l’ensemble de l’Union.
Une Europe du crowdlending qui reste à construire
Dans ce contexte, les plateformes parviennent à offrir une expérience utilisateur qui fait oublier les frontières intra-européennes. Ce résultat n’est cependant qu’une façade car les plateformes doivent gérer en coulisse les nombreuses spécificités propres à chaque pays de l’Union.
La règlementation et la fiscalité relatives aux plateformes de crowdfunding restent variables entre pays de l’Union Européenne. La plateforme belge Look&Fin s’est lancée avec succès sur le marché français en 2015. Frédéric Lévy Morelle, le dirigeant, déclare :
« Après avoir dialogué 18 mois avec le régulateur belge pour créer l’entreprise en Belgique, nous avons dû nous adapter à un autre cadre réglementaire lors de notre lancement en France » déclare Frédéric Lévy Morelle, le dirigeant de Look&Fin.
« Il a fallu par ailleurs aider notre communauté de prêteurs à appréhender les règles fiscales relatives à l’investissement transfrontalier ».
Au-delà des aspects fiscaux et règlementaires, les plateformes se heurtent aux spécificités économiques et culturelles de chaque pays. C’est ce qu’a pu constater Funding Circle après le rachat de Zencap en 2015. Grâce au rachat de la plateforme allemande, Funding Circle s’est assurée une forte présence en Europe Continentale avec l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Espagne. Cependant après avoir émis plus de 16 millions d’euros en Espagne, la plateforme britannique a décidé de se retirer de ce marché en juin 2016.
Ryan Weeks d’Alfti.com évoque pour justifier ce retrait,
« une faible qualité des dossiers soumis et un manque de connaissance du secteur du Peer to Peer en Espagne ».
Cette décision met en exergue les différences de maturité du crowdlending selon les pays européens.
Conclusion
Les plateformes de crowdlending sont bel et bien en train de révolutionner le marché des prêts aux PME en Europe. Pour y parvenir, les plateformes doivent néanmoins maîtriser de grandes disparités juridiques, fiscales et culturelles au sein de l’Union Européenne. Au prix d’importants efforts, certaines plateformes parviennent néanmoins à offrir une expérience utilisateur harmonisée au-delà des frontières. Pour rendre possible une intégration plus forte du marché des prêts aux PME, le crowdlending a besoin d’un cadre juridique et fiscal unifié à l’échelle européenne. Ce cadre ne manquera pas de profiter aux épargnants et aux PME de l’Union Européenne.